Loi n° 94-022/AF portant protection du patrimoine culturel national

L’assemblée fédérale a délibéré et adopté, conformément à l’article 45 de la constitution, la loi dont la teneur suit :

DEFINITION DES BIENS PROTEGES

Article 1er -
Tous les biens mobiliers et immobiliers, publics ou privés, présentant un intérêt national certain du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science, de la tradition et de la religion, sont classés dans les conditions établies par la présente loi, comme « monuments historiques ».

Article 2 -
Ils font partie intégrante du patrimoine national et sont placés sous la sauvegarde de l’Etat. Ils comprennent tous les sites archéologiques et naturels, édifices religieux, édifices liés aux anciens sultans, fortifications, monuments, lieux de sépulture, objets mobiliers et immobiliers appartenant à une période quelconque de l’histoire comorienne et présentant un intérêt national certain.

REGIME DE PROPRIETE ET JOUISSANCE

Article 3 -
Le régime de propriété et de jouissance est celui défini par le droit commun et relevant des dispositions générales de la loi.

Article 4 -
Sont propriété de l’Etat les biens mobiliers ou immobiliers désignés sous l’appellation de « monuments historiques » existant sur le sol ou dans les immeubles appartenant à l’Etat.

Article 5 -
Les particuliers, personnes physiques ou morales de droit privé, dont les biens mobiliers ou immobiliers ont été classés « monuments historiques », gardent la jouissance de leurs objets dans les conditions définies par la présente loi.

Article 6 -
L’exercice de la jouissance acquise aux particuliers est soumis aux servitudes imposées par l’Etat tels que : le droit de visite, le droit d’investigation de l’administration, la participation à l’entretient, l’interdiction de modification ou de destruction sans autorisation. La modification autorisée doit être accomplie sous surveillance de l’administration.

Article 7 -
Les objets classés sont imprescriptibles. En cas de perte ou de vol, le propriétaire ou détenteur de l’objet est tenu d’en informer, dans les huit jours, le directeur du CNDRS.

Article 8 -
Les objets classés appartenant à l’Etat sont inaliénables.

Article 9 -
Les objets classés appartenant à des personnes autres que l’Etat, définies à l’article 5, ne peuvent être aliénés qu’avec l’autorisation du ministère de la culture après avis du directeur du CNDRS et de la commission nationale des monuments historiques.

Article 10 -
La propriété ne peut être transférée qu’à l’Etat ou à une autre personne publique.

Article 11 -
L’acquisition faite en violation de l’article 8 est nulle. Les actions en nullité ou en revendication peuvent être exercées à toute époque, tant par le ministre de la culture que par le propriétaire originaire. L’acquéreur ou le sous-acquéreur de bonne foi, entre les mains duquel l’objet est revendiqué, a droit au remboursement de son prix d’acquisition.

Article 12 -
Tout particulier, personne physique ou morale qui aliène un objet classé doit, dans le mois de la date de son accomplissement, le notifier au ministre de la culture.

Article 13 -
Les effets du classement suivent l’objet classé en quelque main qu’il passe.

ETENDUE DE LA PROTECTION INVENTAIRE, ENREGISTREMENT, CLASSEMENT, DECLARATION

Article 14 -
Sont classés « monuments historiques » les objets mobiliers ou immobiliers dont la conservation présente un intérêt national du point de vue de l’histoire, de l’archéologie, de la science, de la tradition ou de la religion, conformément à l’article 1er de la présente loi.

Article 15 -
Le classement des « monuments historiques » intervient par arrêté du ministère de la culture, après avis du directeur du CNDRS et de la commission nationale des monuments historiques et par inscription sur une liste publiée au journal officiel.

Article 16 -
La proposition de classement d’un bien mobilier ou immobilier est notifiée aux propriétaires, aux occupants ou détenteurs par l’autorité administrative du lieu de situation ou de détention de monument historique.

Article 17 -
Cette proposition devient caduque si le classement n’est pas notifié aux intéressés dans les 10 mois suivants.

Article 18 -
Le classement d’un objet appartenant à un particulier ne donne droit à aucune indemnité.

Article 19 -
Si la proposition de classement ne rencontre pas le consentement du propriétaire dûment signifié par voie administrative, le ministre de la culture la soumet à la commission nationale des monuments historiques, avant de classer d’office, s’il y a lieu.

Article 20 -
Le ministre de la culture tient à jour l’inventaire national des biens culturels publics et privés classés.

DROIT ET OBLIGATION DU PATRIMOINE, DU DETENTEUR ET DE L’ADMINISTRATION ACCESSIBILITE, DROIT DE VISITE ET DROIT D’INSCRIPTION DE L’ADMINISTRATION

Article 21 -
Les monuments historiques, en conformité avec la loi, sont accessibles à tous.

Article 22 -
Les propriétaires ou détenteurs d’objets classés sont tenus de les présenter à l’inspection des agents de l’administration.

CONSERVATION, ENTRETIEN, RESTAURATION, ET SURVEILLANCE

Article 23 -
Le propriétaire ou le détenteur d’un monument historique doit le garder soigneusement, veiller à son entretien.

Article 24 -
Le propriétaire d’un bien protégé ne peut procéder à sa restauration qu’avec l’autorisation administrative compétente et sous sa surveillance.

Article 25 -
Lorsque le propriétaire d ‘un bien protégé est dans l’impossibilité matériel de supporter les dépenses nécessités par les travaux de restauration, l’Etat prend en charge une partie ou l’intégralité des frais.

Article 26 -
Le droit de visite des monuments appartenant à des particuliers restaurés dans les conditions de l’article 25 ci-dessus, est perçu par l’Etat et les particuliers proportionnellement à leur participation dans les restaurations de ces biens et entretiens. Un cahier des charges est établi entre l’Etat et les particuliers en vue de déterminer les charges respectives relatives à l’entretien de ces biens.

Article 27 -
Sont prohibées la cession et l’exportation des objets classés, proposés pour le classement ou inscrits sur la liste des monuments historiques.

Article 28 -
L’exportation ou la cession peut être exceptionnellement autorisée par le ministre de la culture, après avis du directeur du CNDRS, en vue d’un prêt pour la durée d’une exposition organisée par un Etat étranger ou avec sa garantie ou en vue d’un échange avec des objets présentant le même intérêt historique, artistique, scientifique pour le patrimoine national.

Article 29 -
A dater de l’entrée en vigueur de la présente loi, il est interdit d’exporter des trésors d’arts non inscrits sur la liste des monuments historiques tels que, par exemple, armes, sabres, manuscrits, tuniques, objets ethnographiques, etc…, sans un certificat de non inscription délivré par le directeur du CNDRS ou par son représentant.

DECOUVERTES ET FOUILLES ARCHEOLOGIQUES

Article 30 -
Nul ne peut entreprendre des explorations et fouilles archéologiques sans avoir obtenu une licence écrite du Ministre de la Culture.

Article 31 -
Les découvertes fortuites d’objets mobiliers ou immobiliers pouvant intéresser l’art, l’histoire ou l’archéologie, doivent être déclarées immédiatement, par l’inventeur ou le propriétaire à l’administration locale, qui en avise le Ministre de la Culture.

Article 32 -
Une licence n’est délivrée, après avis du directeur du CNDRS, qu’aux personnes dont la compétence scientifique est garantie. Toute fouille doit associer aux travaux, un représentant désigné par le directeur du CNDRS.

Article 33 -
Lorsque le terrain pour lequel la licence est accordée est propriété privée, l’archéologue doit définir avec le propriétaire les conditions dans lesquelles il sera autorisé à entreprendre la fouille.

Article 34 -
L’Etat peut procéder à des explorations et fouilles sur des terrains privés sans préalablement aviser le propriétaire.

Article 35 -
Le propriétaire a droit à une indemnité pour dommage subi lors des fouilles.

Article 36 -
Les frais des dommages subis sont supportés par l’auteur des dégradations provenant des fouilles.

Article 37 -
Un rapport de mission doit être déposé auprès du ministre de la culture avant le départ du territoire comorien, s’il s’agit d’une mission étrangère ; dans le mois qui suit la fin des fouilles, s’il s’agit des scientifiques nationaux.

Article 38 -
Les objets découverts doivent être remis à l’autorité comorienne L’Etat seul décide de la part à attribuer aux fouilleurs.

LES SANCTIONS

Article 39 -
Sont punis les infractions aux articles suivants : Article 26 : Le droit de visite des monuments appartenant à des particuliers restaurés dans les conditions de l’article 25 ci-dessus, est perçue par l’Etat et les particuliers proportionnellement à leur participation dans les restaurations de ces biens et entretiens. Un cahier des charges est établi ente l’Etat et le particulier en vue de déterminer les charges respectives à l’entretien de ces biens. Article 31 : Non-déclaration de découverte fortuite. Article 38 : Non remise à l’Etat d’objets découverts au cours des fouilles.

AUTORITES ET ORGANISMES CHARGES DE LA PROTECTION

Article 40 -
Il est constitué auprès du Ministre de la Culture une commission nationale des monuments et des sites. A défaut de celle ci, le CNDRS joue ce rôle auprès du ministre compétent.

Article 41 -
La commission nationale se réunie au moins une fois par an sur convocation du ministre compétent.

Article 42 -
La commission nationale a compétence pour se prononcer :
- sur les propositions de classement, d’inscription sur la liste de l’inventaire supplémentaire.
- sur tous les cas ou des travaux projetés auraient pour effet des modifications importantes à l’état des lieux des monuments et sites classés. Dans ce cas l’accord de la commission doit être requis.

Article 43 -
La commission peut être, en outre, consultée pour toute autre question touchant les monuments et sites.

Article 44 -
Il est institué auprès de chaque gouvernorat une commission des monuments et sites. Elle peut proposer à la commission nationale des demandes de classement ou d’inscription sur l’inventaire supplémentaire.

Article 45 -
La commission régionale est saisie de tout projet d’aménagement ou de construction public ou privé situé dans un site ou un monument historique classé proposé pour le classement. Dans ce cas elle doit saisir le directeur du CNDRS pour avis motivé.

Article 46 -
Les commissions régionales se réunissent au moins deux fois par an.

Délibérée et adoptée en sa séance du 27 juin 1994

Le Président de l’Assemblée fédérale de la République fédérale islamique des Comores

Mohamed Said A. Mchangama