Décret du 16 août 1939 portant sur la Protection des sites, monuments et productions de l'art indigène

Chapitre I
Généralités

1.- En vue d'assurer la protection et la conservation des immeubles, ainsi que des meubles de facture indigène totale ou partielle, qui présentent un intérêt historique, préhistorique, archéologique, ethnographique ou artistique, le gouverneur général peut ordonner le classement de ces immeubles ou de ces meubles.

2.- Le gouverneur général fait dresser une liste générale des immeubles et meubles classés.
Cette liste est publiée au Bulletin administratif du Congo belge et republiée périodiquement aux époques fixées par le gouverneur général.
Chaque conservateur des titres fonciers dresse et tient constamment à jour la liste des immeubles classés situés dans son ressort.

3.- Le gouverneur général ordonne les mesures générales propres à assurer la garde et la conservation des meubles et des immeubles clssés.

Chapitre II
Des commissions de classement

4.- Le gouverneur général crée une ou plusieurs commissions consultatives dénommées "Commissions de classement des sites, monuments et meubles de facture indigène".
Le gouverneur général détermine la composition et le ressort des commissions. Il établit également leur règlement d'ordre intérieur. Il nomme les membres parmi les personnes qui, résidant dans la colonie, sont le plus qualifiées par leurs fonctions et leur compétence en matière éducative, scientifique ou artistique.

5.- Les commissions délibèrent sur toutes les questions se rapportant à la protection ou à la conservation des sites, des monuments et des meubles de facture indigène que leur soumet le gouverneur général.
La commisssion compétente est obligatoirement consultée sur tous les projets d'ordonnance de classement ou de déclassement. Ceux-ci lui sont soumis accompagnés d'une note justificative et éventuellement de la réclamation du propriétaire ainsi que de sa demande d'indemnité et de la suite que le gouverneur général se propose de lui donner.
La commission donne son avis, sous forme de rapport motivé, dans le délai de trois mois.
L'ordonnance de classement ou de déclassement mentionne dans son préambule l'avis de la commission ou, le cas échéant, l'absence de l'avis et la raison de son absence.
Les commissions peuvent adresser des voeux au gouverneur général et lui faire toutes propositions de classement ou de déclassement.

Chapitre III
Du classement des immeubles et des meubles

1.- Dispositions générales

6.- Le gouverneur général notifie au propriétaire son intention de classer le meuble ou l'immeuble. Il fait la même notification au conservateur des titres fonciers, s'il s'agit d'un immeuble se trouvant sur un terrain autre que les terres indigènes.
Les effets du classement s'appliquent de plein droit à l'immeuble ou au meuble, à compter de cette notification. Ils cessent de s'appliquer si une ordonnance de classement n'intervient pas dans l'année de la notification.
En cas d'urgence, l'administrateur territorial peut aussi notifier au propriétaire ou au détenteur et, éventuellement au conservateur des titres fonciers, sa décision de proposer au gouverneur général le classement de tel meuble ou de tel immeuble. La disposition de l'alinéa précédent sur les effets de la notification du gouverneur général s'applique aussi à cette notification.
Le propriétaire peut introduire une réclamation dans le délai de six mois, à partir de la notification. En cas de réclamation, il est statué par le gouverneur général, la commission de classement entendue et sans que les effets du classement soient suspendus.

7.- Toute ordonnance de classement d'un immeuble ou d'un meuble est notifiée au propriétaire de la manière fixée par le gouverneur général. La même notification est faite au conservateur des titres fonciers s'il s'agit d'un immeuble. L'ordonnance produit ses effets à dater de sa notification. L'ordonnance détermine les mesures particulières qui s'imposent pour assurer la garde et la conservation de l'immeuble ou du meuble classé. L'ordonnance doit être publiée.

8.- Le classement peut donner lieu à l'octroi au propriétaire d'une indemnité représentative du préjudice résultant du classement.
Le gouverneur général détermine les modalités suivant lesquelles doivent être introduites les demandes d'indemnité et suivant lesquelles l'octroi de celles-ci est consenti.
Il fixe le chiffre de l'indemnité après avoir pris l'avis de la commission de classement.
En cas de désaccord quant au montant de l'indemnité, le propriétaire peut, dans les deux mois de la notification qui lui en est faite, exercer un recours devant les tribunaux.

9.- Le déclassement d'un immeuble ou d'un meuble est prononcé dans les mêmes formes que son classement.
Il est notifié de la même manière que le classement au propriétaire et s'il s'agit d'un immeuble, au conservateur des titres fonciers ainsi que le cas échéant, au bénéficiaire d'un droit réel.

2.- Des immeubles

10.- Sont compris parmi les immeubles susceptibles d'être classés notamment: les sites, grottes, cavernes et les terrains qui renferment des stations ou gisements préhistoriques, des restes de constructions anciennes ou des dépôts d'objets anciens de caractère artistique ou archéologique.

11.- Les effets du classement suivent l'immeuble classé en quelque main qu'il passe.
Quiconque aliène un immeuble classé est tenu de faire connaître à l'aquéreur l'existence du classement.
Toute aliénation doit être notifiée par celui qui l'a consentie dans les délais et à l'autorité déterminés par le gouverneur général.

12.- L'immeuble classé ne peut faire l'objet de modifications ou de travaux quelconques et l'état des lieux ne peut être modifié que moyennant une autorisation spéciale du gouverneur général et dans les conditions fixées par lui.

3.- Des meubles

13.- Sont compris parmi les meubles susceptibles d'être classés, notamment: les dessins, peintures, sculptures, statues, ustensiles, pièces tissées, gravures, outillages de techniques indigènes, etc. présentant un intérêt archéologique, artistique ou éducatif.

14.- Tout particulier qui aliène un meuble classé est tenu de faire connaître à l'acquéreur, avant l'aliénation, l'existence du classement.
L'aliénation doit être notifiée par celui qui l'a consentie, dans les délais et à l'autorité que détermine le gouverneur général. La notification est accompagnée de la preuve de l'accomplissement de l'obligation prévue à l'alinéa précédent.

15.- L'exportation des meubles classés est interdite.
Elle peut néanmoins être autorisée exceptionnellement par le gouverneur général et sur avis de la commission de classement.
Le gouverneur général fixe les mesures propres à assurer le respect de cette interdiction.

16.- Tout propriétaire ou détenteur de meubles classés est tenu d'en assurer la garde et la conservation.

17.- Les propriétaires ou détenteurs de meubles classés sont tenus, lorsqu'ils en sont requis, de les représenter aux agents désignés par le gouverneur général.

18.- Les meubles classés appartenant à des indigènes ne peuvent être aliénés qu'avec l'autorisation du gouverneur général. La vente faite en violation de cette interdiction est nulle.
L'action en nullité peut être exercée par le gouverneur général ou son délégué, les commissaires provinciaux et les officiers du ministère public.

Chapitre IV
Des fouilles et découvertes

19.- Sur les terres du domaine de l'Etat, concédées ou non et sur les terres indigènes, nul ne peut procéder à des fouilles dans un but de recherches archéologiques, ethnographiques, historiques et préhistoriques sans en avoir obtenu l'autorisation du gouverneur général. Celui-ci déterminera éventuellement les conditions dans lesquelles les fouilles auront lieu, et la manière suivant laquelle elles seront effectuées.

20.- Quiconque ayant découvert des monuments, ruines, isncriptions ou objets quels qu'ils soient pouvant intéresser la préhistoire, l'archéologie, l'histoire ou l'art s'abstient, dans une intention frauduleuse ou méchante, d'en aviser l'autorité désignée par le gouverneur général est passible des peines prévues à l'article 23.
Le gouverneur général déterminera les formes de l'avis et les délais dans lesquels il doit être donné.

21.- Si la découverte est faite dans une terre du domaine, concédée ou non, ou dans une terre indigène, l'autorité prendra les mesures conservatoires suivant les modalités fixées par le gouverneur général. En cas de préjudice une indemnité sera accordée au concessionnaire ou à l'indigène, dans les conditions fixées à l'article 8.
Si la découverte a lieu dans une terre privée, le gouverneur général pourra, après avoir pris l'avis de la commission de classement, poursuivre l'expropriation du dit terrain pour cause d'utilité publique.

22.- Est réservée à la Colonie la propriété de tous objets énumérés à l'article 20 qui seraient découverts dans le sol de terres domaniales concédées ou non. Une indemnité dont le montant est fixé par le gouverneur général peut être accordée à l'inventeur.
Moyennant indemnité payée pour moitié au propriétaire du sol et pour moitié à l'inventeur, les objets découverts dans des terres autres que celles citées ci-dessus peuvent devenir la propriété de la Colonie, à la condition que le gouverneur général les réclame dans un délai de six mois après l'avis qui aura été donné de cette découverte, en exécution de l'article 20. Le montant de l'indemnité est fixé par le gouverneur général, après avis de la commission de classement. En cas de désaccord quant au montant de cette indemnité, les intéressés peuvent dans les deux mois de la notification qui leur est faite de la décision du gouverneur général exercer un recours devant les tribunaux.

Chapitre V
Des sanctions pénales

23.- Quiconque aura en violation des dispositions des articles 15 et 18 sciemment aliéné, acquis, exporté ou tenté d'exporter un meuble classé, sera puni d'une servitude pénale de deux mois au maximum et d'une amende de 5.000 francs au maximum ou d'une de ces deux peines seulement.
Sera sanctionnée des mêmes peines toute infraction aux dispositions des alinéas 2 et 3 de l'article 6, des alinéas 2 et 3 de l'article 11 et des articles 12, 14, 16, 17 et 19.

24.- Quiconque aura volontairement détruit, mutilé ou dégradé un immeuble ou un meuble classé ou assimilé, sera puni d'une servitude pénale de deux ans au maximum et d'une amende de 5.000 francs au maximum ou d'une de ces deux peines seulement.